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MONSIEUR AUGUSTE

— Il veut rencontrer le docteur, lui faire une querelle d’Autrichien, se battre avec lui et le tuer.

— Par jalousie ?

— Oui… non… mon Dieu ! je ne sais plus ce que je dis ! je perds aussi la tête, moi !… Mais ces choses n’arrivent que dans les maisons riches ! on vit tranquillement avec les pauvres… On est heureux pour rien dans les chaumières… il n’y a pas de monsieur Auguste chez les paysans… Ce matin, une pauvre paysanne est venue m’offrir des fraises. « Combien ? ai-je dit. — Trente sous. » Votre oncle passait : « Donnez un louis à cette femme… » Je trouve cela charmant de la part de M. Lebreton ; il s’est souvenu que Mlle Louise avait demandé des fraises… Vous dire la joie de cette paysanne est chose impossible ; elle a baisé mes mains, la pièce d’or, la porte ; elle était folle, mais d’une bonne folie ; elle a crié que ce louis assurait son bonheur pour toujours. Ses larmes de joie m’ont fait pleurer… Et nous, nous qui avons des millions, tout notre bonheur consiste à passer pour heureux : et quand nous pleurons, c’est de tristesse ; et quand nous sommes fous, c’est de désespoir !

— Tout cela est très-bien, dit Agnès en trépignant, mais tu oublies…

— Oui, oui, mademoiselle… il faut faire ici acte