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MONSIEUR AUGUSTE

— Mais si mon idéal ne m’a pas trouvée ; moi, me voilà bien avancée !

— Cet idéal serait aveugle.

— Non… oh ! non, docteur… vraiment, dit Agnès en jouant l’embarras, les hommes sont étranges… il y en a de présomptueux, qui pensent n’avoir qu’à se montrer pour nous séduire, et ceux-là sont, en général, dépourvus de tous les avantages que nous recherchons… Je suis une vieille fille, et j’en ai déjà vu bon nombre de ceux-là… Un éclat de rire a foudroyé leur présomption… Il en est d’autres, rares, ceux-là… oh ! bien rares !… malheureusement !… d’autres, doués de tous les mérites, et qui garderaient toujours un aveu au fond du cœur, tant ils se méfient d’eux-mêmes ! tant ils craignent de perdre un espoir, en révélant leur amour ! Ainsi, voyez donc à quoi est exposée une femme qui se met à la recherche de ce phénix d’amour qu’on nomma l’idéal ? Si elle le trouve, par hasard, elle rencontrera chez lui, nécessairement, entre autres vertus, cette modestie silencieuse et cette noble méfiance qui n’osent rien demander ; et la femme, esclave des chastes réserves de son sexe, n’osant jamais donner un encouragement à des timidités honorables, chacun gardera sa position, comme ces deux statues de plâtre qui sont là sur leurs piédestaux, et on atten-