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MONSIEUR AUGUSTE

— Ah ! c’est juste ! et vous êtes fils d’Esculape, vous. Que de vers vous devez avoir adressés à vos belles malades après la guérison !

— Avant, toujours.

— Il parait que vos vers sont dangereux. J’aime mieux attendre mon quatrain très-longtemps.

— Je ferai votre épithalame.

— Oh ! docteur, je suis une vieille fille, j’ai vingt ans, et j’ai renoncé au mariage.

— Vous ! renoncer au mariage ! vous ! la vivante expression de la beauté, de la grâce, de l’esprit !

— Ah ! monsieur le docteur, je cherche mon idéal et je ne le trouve pas ; notre siècle est pauvre en ce genre. Il y a beaucoup d’hommes, peu de maris et point d’idéal.

— Vous courez après un fantôme, mademoiselle.

— Peut-être.

— Ah ! vous espérez donc atteindre votre idéal ?

— La vie est un long espoir.

— Vraiment, mademoiselle, vous me rendez triste une matinée si belle ; il y a une plainte dans votre organe si doux ; il y a une douleur dans votre pensée, un nuage dans votre regard. À quoi donc servent la jeunesse, la beauté, la fortune ? À changer en malheurs les dons du ciel.

— Ah ! monsieur le docteur, dit Agnès avec un