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MONSIEUR AUGUSTE

mer un homme qui ferait l’action courageuse d’Octave, mais aimer un docteur parce qu’il a fait son métier, en griffonnant des ordonnances, bonnes pour la guérison comme pour la mort, au choix de Dieu, ah ! voilà ce qui ne m’arriverait pas ! et Mlle Louise n’est pas femme à se dévouer ainsi, par reconnaissance pour des potions calmantes et des bains. Je la connais.

— Soit, je veux bien l’admettre, reprit Agnès ; mais le docteur a déjà toute la sympathie du père ; voilà ce que je vous apprends, puisque vous l’ignorez. M. Lebreton ne croit pas être père tant qu’il n’aura pas marié sa fille. C’est sa lubie. Le docteur est charmant, distingué, spirituel ; il est homme à exploiter une convalescence avec une adresse parfaite, dans un but matrimonial. Louise a, comme son père, la lubie du mariage. Au théâtre, quand le rideau tombe sur l’hymen obligé d’Arthur et d’Émilie, Louise me dit toujours : « Qu’ils sont heureux !… » Vous riez, ma bonne Rose ?

— Je ris parce que vous dites vrai.

— Eh bien ! qu’y aurait-il d’étonnant, si Louise, encouragée par son père, se mettait en devoir d’aimer un docteur qui a tout le charme d’un homme du monde, et fait oublier ses ordonnances de médecin par son esprit d’amoureux.