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MONSIEUR AUGUSTE

point qu’au moment de se marier, ainsi que je vous l’ai dit, il a eu peur du mariage, et a tout laissé à l’abandon. Vous concevez quel coup affreux pour la tête de ma pauvre fille ! la corbeille prête, les cadeaux faits, les bans publiés, un assortiment complet de robes, de châles, de fourrures ; tout ce qui fait tourner la cervelle des jeunes femmes et puis une lubie tombe dans la tête de ce poltron de fiancé, tout s’écroule ; plus de mariage ; alors crise violente, spasme, fièvre, délire, transport au cerveau. Cela se conçoit. Mais d’amour pour le jeune homme ! Oh ! pas l’ombre ! Vous connaissez le cœur des femmes, docteur… Ma femme m’a avoué un jour qu’elle ne s’était mariée que pour avoir un châle de l’Inde ; et l’amour chez elle est venu plus tard.

— Cependant, dit le docteur, j’ai cru surprendre, au moment des crises nerveuses, quelques paroles de tendresse… qui m’ont paru… indiquer.

— Ah ! oui, oui, interrompit le père… des mots sans suite… des mots d’opéra… elle sait toutes ces bêtises de théâtre par cœur ; elle les chante à son piano… mon bien-aimé… mon Fernand… grâce pour lui-même, que sais-je moi ! on n’entendait que cela dans la maison, surtout depuis le dernier concert… mon Fernand toutes les richesses de la terre… vous connaissez l’air, docteur ?