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MONSIEUR AUGUSTE

— Mais enfin, mademoiselle Rose, me direz-vous ! de quoi vous n’êtes pas étonnée ?

— Si les messieurs vous regardent avec tant de plaisir… il y en a un surtout… Oh ! moi, je suis une espionne d’antichambre… je vois tout, les murailles sont de cristal pour mes yeux ; elles me servent de lunettes… vous savez, mademoiselle… Sont-ils épais vos beaux cheveux !… Celui qui a fait la dernière valse… M. Octave… on ne sait pas dire s’il est laid ou s’il est joli… mais en voilà un qui a l’air d’un amoureux !… il regarde les femmes comme les enfants regardent les bonbons… Je crois voir sur votre joue les tisons de ses yeux : il vous brûlait en valsant. C’est un démon, comme celui du Grand-Opéra, mais vrai. J’aimerais mieux rencontrer Cartouche dans un bois que lui…

— Mon Dieu ! j’étouffe de chaleur, interrompit Louise… il n’y a pas un souffle d’air, cette nuit ; on ne respire pas.

— Me permettez-vous d’ouvrir la fenêtre, mademoiselle… il n’y a pas de voisins… on ne craint pas d’être vue… la rivière passe devant.

— Oui, vous avez raison, j’ai besoin d’air… ouvrez… il y a ce grand arbre qui me fait toujours peur… il semble qu’il me regarde…