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MONSIEUR AUGUSTE

salon de 1859. J’ai cru un moment que Gorot, Daubigny ou Cabat ont graissé la patte à mon Érostrate de chien… Je voulais me tuer, comme l’architecte du temple d’Éphèse, et je cherchais un suicide honorable, lorsqu’une jolie femme de chambre arrive et m’annonce qu’un malfaiteur, armé jusqu’aux dents, arrête mes voisins dans un salon, et leur demande la bourse ou la vie. Jugez de mon bonheur ! Allons nous faire tuer ! me suis-je dit, et j’économise un suicide ! Il faut bien être économe une fois dans sa vie ! Je fais trois bonds, j’arrive et je vous reconnais du premier coup… Alors je vous enlève… parce qu’on va se marier dans cette maison… et il ne faut pas troubler la veillée des noces… je vous entraîne donc ici comme mon sauveur, mon libérateur, ma providence, et je m’accroche à vous comme le naufragé à la pointe d’un écueil. Que va-t-il arriver entre nous ? Je n’en sais rien ; mais il y aura toujours bénéfice, profit et diversion pour moi.

— Ma foi ! dit Simaï ; deux hommes ne peuvent pas se rencontrer plus à propos. J’en ai assez de la vie… elle m’est insupportable et odieuse… pourquoi ?… c’est mon secret… La société ne veut pas de moi, et moi je ne veux pas d’elle… j’apprends que… un… de mes amis, un riche avare, se ma-