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MONSIEUR AUGUSTE

sait ? Je parie même que vous avez fait des progrès en peinture. La seule auberge de ce village n’a pas d’enseigne ; voulez-vous la peindre ? au moins vous serez exposé une fois. L’aubergiste paye en aveugle et ne convoque pas de jury ; ne perdez pas cette occasion de vous faire un nom. Voulez-vous que j’en parle à l’aubergiste du Grand-Cerf ? c’est le Mécène de Chatou ; il y a tous les jeudis, à son exposition, un public délicat qui arrive de Pontoise et cause peinture jusqu’à l’abattoir : c’est un public fait pour vous et pour les peintres incompris. À Naples, vous étiez entouré de jaloux : il y avait deux paysagistes qui s’avisaient maladroitement de faire des chefs-d’œuvre à votre côté, pour étouffer au berceau le germe de votre talent. Un seul ami vous mit en lumière, le jour où votre pinceau décapita un grand peintre florentin, sous prétexte de peindre sa tête. Cet ami, vous l’avez encore devant vous : c’est moi. Votre toile d’araignée méritait une récompense ; je vous décorai de ma main sur la joue, en plein café. Vous le voyez, j’abuse aussi de la permission qu’ont les hommes d’être insolents envers les lâches ; j’abuse de tout.

— Monsieur Octave, dit Zoar-Simaï, après avoir écouté avec distraction, je crois avoir compris votre pensée.