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MONSIEUR AUGUSTE

cruelles de toutes les larmes, les larmes invisibles, les larmes du cœur.

Louise prononça quelques mots sans suite, avec l’accent rauque des mauvais rêves, et fit glisser sa main sur ses joues, comme pour éteindre le feu humide qui les brûlait.

— Donnez de l’air, ouvrez la fenêtre, dit le père à Rose.

À ces mots, la jeune malade fit un mouvement comme pour se lever, et s’appuya sur son coude droit. Elle regarda autour d’elle, avec ce sourire effrayant qui n’arrive pas aux yeux et que le délire donne, et elle dit :

— Rose, fermez la fenêtre… il est minuit… vous savez ?… l’autre… il vaut mieux étouffer… je ne puis plus voir ce jeune homme… Aussi, Rose, j’ai été bien imprudente, cette nuit-là… je me croyais seule… Oh ! mon Dieu !… non… je ne verrai plus cet insolent… Nous irons tout de suite en Italie… n’est-ce pas, Auguste ?… On dit qu’il y a, en juin, à Rome, une fête charmante… à Gensano… nous la verrons… n’est-ce pas ?… C’est une procession de jeunes filles, toutes habillées comme les coquelicots dans les blés, et on porte des bannières avec l’image de la madone ; on chante les litanies… ces jeunes filles ont toutes des voix superbes, et sont