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MONSIEUR AUGUSTE

une jeune fille, dans tout l’éclat de la beauté, mais agonisante et blessée de ce mal affreux qui laisse vivre le corps et tue la raison. Les débris de sa fraîche toilette du matin gisaient confusément épars sur le tapis de l’alcôve, avec les fleurs cueillies dans une pensée d’innocente coquetterie et d’amour.

Tout à coup, la pensée et le souvenir rayonnèrent dans les yeux de Louise ; les larmes allaient faire irruption, mais l’issue était trop étroite pour le torrent contenu ; les yeux restèrent secs, et la poitrine se gonfla, comme s’il eut reflué vers le cœur. Ce fut une crise nouvelle qui détermina un violent transport au cerveau, et couvrit le front, les joues, le sein de la pourpre de la fièvre.

— Ma fortune pour la vie de ma fille !… dit le père au désespoir.

Rose était rentrée depuis longtemps, et la pauvre fille si dévouée avait aussi perdu la tête ; elle allait et venait, sans aucun but ; elle s’agenouillait dans le petit oratoire, priait un instant, versait des larmes, les essuyait promptement, prêtait l’oreille aux murmures du chemin de fer, et ne cessait de redire ces mots :

— J’avais deviné tout cela !

Agnès, debout à la hauteur du chevet du lit, gardait une immobilité morne, et répandait les plus