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MONSIEUR AUGUSTE

vais vous donner cinq mille francs de vos tableaux ; et laissez-nous tranquille.

— Tu as toujours été avare, Auguste, reprit l’homme, et tu t’avises de marchander avec moi !… c’est parce que tu vas te marier !… Il va se marier !… oh ! laisse-moi rire !… Voilà le papa beau-père !… il a l’air d’un brave homme… c’est dommage !… il va se marier !… Allons vite, donne dix mille francs, et je te laisse mes chefs-d’œuvres…

— Mais vous souffrez ces impertinences ! s’écria Mlle Agnès en se levant comme une furie, vous, mon oncle ! et vous, monsieur ?… Quel est ce bandit qui prend un salon pour une grand’route, et vole en plein jour ? Quel est ce lâche jeune homme qui se laisse souffleter devant sa femme par un bandit ?

Auguste se renversa sur le dossier de sa chaise ; il était anéanti. Louise avait laissé tomber sa tête sur ses mains et les inondait de larmes. M. Lebreton, le front penché sur la table, se demandait le mot de cette affreuse énigme, le mystère de cette familiarité impossible entre un effronté voleur et un honnête jeune homme, et il ne se répondait pas.

Une sentinelle veillait et n’avait rien perdu de tous les incidents de cette scène inouïe. Rose, avec son infaillible instinct de femme, avait compris qu’il ne fallait appeler aucun étranger ou aucun agent de la