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MONSIEUR AUGUSTE

de soubrette, comme fait la femme pieuse pour la sainte Madone, objet de sa vénération.

Comme sous le Directoire, époque de péril, les femmes ont compris instinctivement, en 1858, qu’il fallait demander à la mode une plus large tolérance. Dans les siècles d’amour, où les hommes se rapprochent des femmes, la mode resserre les plis des étoffes, et prodigue les pudiques intentions sur toutes les coutures ; elle ne montre rien, elle laisse deviner. Quand les hommes s’éloignent des femmes, et préfèrent les questions d’argent aux questions d’amour, la mode change sa stratégie et se relâche dans ses mœurs : elle permet aux fleurs de s’épanouir à l’air libre, et supprime la serre ; elle permet aux trésors de briller au grand jour, et supprime le reliquaire jaloux. Alors, les belles épaules s’arrondissent sur toute la ligne d’un bal, comme les friandises d’un festin de volupté ; les gazes indiscrètes s’échancrent, et découvrent les seins d’ivoire, ces anciens captifs de la pudeur ; on fait rayonner aux bougies l’échantillon excitant de toutes les beautés secrètes, et avec ces belles armes nues, tirées du fourreau, on déclare la guerre aux indifférents, aux infidèles et aux apostats.

La mode est moins frivole et plus intelligente qu’on ne le pense. Le costume de la jeunesse du