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MONSIEUR AUGUSTE

de dents de perles, arrivait à l’oreille d’Auguste comme un de ces bruits aigres qui révoltent les nerfs, comme le cri de la vitre sciée par une lime d’acier ; mais le jeune homme comprit qu’il était temps de lutter contre toutes ces répugnances, pour arriver au succès de son plan. Il se composa une figure sereine, écouta Louise avec un sourire presque naturel, et il trouva même en lui assez de courage pour regarder fixement cette merveille de grâce, de mélodie et de beauté.

Enfin, elle n’avait pas perdu ses frais de toilette, la belle enfant ; car c’était pour lui qu’elle prenait tous les jours la douce peine de diminuer sa beauté en sacrifiant à toutes les fantaisies de la mode. Ce jeune homme, pensait-elle, est si recherché, si soigneux dans sa mise, qu’il doit aimer le luxe et l’éclat dans la toilette des femmes. Ce raisonnement ne pénétrait pas avec la même évidence logique dans l’esprit de Mlle Rose, mais la femme de chambre ne s’en prêtait pas moins aux caprices quotidiens de son élégante maîtresse. Rose comprenait que cette dépense de goût et d’étoffes était perdue, dans ses intentions ; mais comme elle éprouvait un plaisir infini à voir cette riche jeune fille épuiser toutes les charmantes inventions du journal des modes, elle l’habillait pour son égoïste satisfaction