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MONSIEUR AUGUSTE

Cette première caresse du matin qu’un père donne à sa fille a toujours remué le cœur des plus indifférents. Auguste détourna les yeux pour ne pas voir M. Lebreton embrassant sa fille ; il aurait voulu pouvoir fermer ses oreilles pour ne pas entendre ce bruit charmant qui retentit sur un front virginal, humecté par des lèvres pleines de tendresse. À coup sûr, chez Auguste, cette répugnance ne provenait pas de la jalousie. Quel en était donc le motif ? Auguste, lui-même n’aurait pu répondre à cette question. Il s’avouait tout bas l’effet, il ignorait la cause.

En saluant Louise et Agnès, M. Auguste daigna leur donner un de ces regards qui ne regardent pas ceux qu’on salue. Ces gaucheries étaient toujours mises sur le compte éternel de la timidité.

Sur un signe très-adroit de son père, Louise attaqua la conversation, en parlant d’une fleur d’aloès qui s’était brusquement épanouie, la nuit dernière, dans la serre, et à propos de ce miracle de végétation spontanée, elle dit des choses charmantes, qui étaient aussi des allusions délicates au mutisme obstiné ou à la timidité enfantine de M. Auguste. Cette parole de jeune fille, cette mélodie suave qui se divinise et s’embaume en traversant un clavier