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MONSIEUR AUGUSTE

le demande ? Il nous a décoché autant de sottises que de mots ! et avec quelle volubilité ! Je croyais que cette valse furibonde l’avait brisé. Il va fumer dans le parc, au lieu d’aller dormir ! Ah ! permettez-moi, mon cher monsieur Auguste, permettez-moi de vous adresser une petite remontrance…

— À moi ? demanda Auguste en riant.

— Oui, à vous. Tout cela est un peu votre faute. Vous avez de l’ascendant sur ce jeune fou, et vous n’osez jamais lui donner un bon conseil… Vous riez tout le premier de ses folies… Vous avez souvent l’air d’avoir peur de lui, et…

— C’est que je le connais, interrompit vivement Auguste ; quand vous le voyez partir ainsi comme une locomotive, si j’avais le malheur de lui faire une objection, il m’enverrait à tous les diables ! Il faut prendre ses amis avec leurs défauts. Un ami qui n’aurait que de bonnes qualités ferait rougir l’autre en l’humiliant. L’amitié ne s’établit jamais entre deux perfections. Elle deviendrait froide, et s’évanouirait dans l’ennui de l’accord parfait.

— Mais c’est très-profond ce que vous dites là, mon jeune Auguste, dit M. Lebreton, enthousiasmé ; vraiment, vous irez loin, très-loin. Vous êtes un penseur déjà ! Vingt-huit ans ! Heureuse la femme qui…

— Il est déjà fort tard, interrompit Auguste, en