Page:Méry - Monsieur Auguste, 1867.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
MONSIEUR AUGUSTE

mesures de l’accompagnement un frisson de plaisir courut dans les salons. Ces trois mots, ô mon Fernand, coururent sur toutes les lèvres de femmes. Louise laissa tomber un regard que l’or du Pérou n’aurait pas payé, et qui ne rencontra pas le regard attendu. Auguste cherchait toujours Octave, et se souciait fort peu d’être regardé. Octave contemplait toujours Louise, et en suivant la direction des yeux de la jeune fille, il rencontra au bout la figure inquiète de son ami. Un triangle visuel, formé par des regards qui ne pouvaient se rencontrer.

La cantatrice entonna ô mon Fernand avec une de ces voix pénétrantes qui troublent le cœur jusqu’à la source des larmes : elle fit retentir, en notes désolées, cette sublime lamentation de l’amour, cet hymne de mélancolie passionnée, où le génie de la musique a résumé, dans une aspiration ineffable, les cris de douleur qui sortent de l’âme, quand les tendresses trompées ont perdu leurs illusions d’un moment. Ces notes coulaient comme des larmes mélodieuses, au milieu des plaintes intermittentes du piano, et en exprimant toutes les angoisses du cœur, elles faisaient mieux comprendre, par leur sombre contraste, les divines allégresses de l’amour heureux. La musique a des secrets inexplicables, des arcanes étrangers à la science froide de l’analyse. C’est la