Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette histoire et les personnages qui en sont les héros. On ne sera jamais trop sévère pour Agamemnon ; ses exploits antiques, divinisés par des langues d’or, ont été d’un bien fâcheux exemple ; que de destructeurs de villes se sont autorisés de cet antécédent fabuleux et n’ont pas eu, hélas ! Homère, Virgile ou Rossini pour les accompagner ! Que d’Agamemnon passés à l’état de libretti depuis le roi d’Argos !

Il y avait autrefois un monarque sage nommé Priam, le modèle des rois, époux irréprochable, homme pieux, père de cinquante enfants, tous établis, à l’exception d’un seul, qui exerçait en amateur le métier de berger, et distribuait des prix de beauté aux jeunes filles égarées dans les vallons de l’Ida. Les lois les plus justes régnaient dans la ville de Priam ; il y avait beaucoup de vieillards, et tous donnaient d’excellents conseils à la jeunesse, tous honoraient les dieux, tous enseignaient le respect pour les femmes. Les mœurs de l’âge d’or florissaient dans cette ville de Troie, à tel point que les princesses traversaient les places publiques, à pied, pour se rendre au fleuve voisin et laver elles-mêmes leurs robes et leurs tuniques ; qu’elles exposaient au soleil, comme de simples blanchisseuses de Bougival. Priam, roi très-pacifique, n’avait point d’armée, et, grâce à ce détail d’économie politique, il avait amassé de grands trésors, accrus encore par un commerce d’huile, de laine et de cuirs, et par l’heureux entretien des terres. L’île de Ténédos elle-même, où vous ne voyez rien du tout aujourd’hui, donnait d’excellents revenus à Priam :

Dives opum, Priami dùm regna manebant.