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gard de bonté, mais qu’elle espérait bien que tout se bornerait là.

— Vous ne connaissez pas le roi, — dit la sultane de l’air d’une femme qui le connaissait.

— Je me soucie fort peu de le connaître, répondit Lilia.

La sultane regarda fixement la veuve espagnole pour bien entrer dans le sens de sa pensée ; elle comprenait difficilement qu’une femme se souciât peu de l’amour d’un roi aussi puissant que Kiou-Tavaï.

— Vous êtes donc désolée d’être entrée ici ? — demanda la sultane, toujours en pantomime expressive comme une langue.

— Je crois bien que j’en suis désolée ! répondit Lilia.

— Alors vous n’aimez pas le roi ? — demanda la sultane d’un air naïf.

— Non, — répondit Lilia, en riant aux éclats, malgré l’horreur de sa situation.

La sultane témoigna une extrême surprise, et croisa les bras sur les tatouages de sa poitrine.

— Comprenez-moi bien, — dit Lilia, en prenant une main de la sultane pour la serrer avec énergie. — Je l’aime si peu, votre roi, que je suis décidée à me briser la tête contre un arbre, ou à me noyer dans cette rivière, si votre roi veut m’épouser malgré moi.

La sultane fit un sourire d’incrédulité.

— Voilà, pensa-t-elle, une femme blanche bien rusée ; mais je ne serai pas sa dupe. Est-il possible de supposer qu’une femme est décidée à se tuer, parce que Kiou-Tavaï,