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très-célèbre, et aujourd’hui anéantie par les pionniers de la civilisation. Le roi se nommait Kiou-Tavaï ; il portait une coiffure très-haute, hérissée de plumes d’aras ; un carquois jouait sur son épaule gauche, et il balançait gracieusement un arc dans ses mains.

Derrière le roi marchaient les princes de sa famille, tous moins hautement coiffés, puis les courtisans et les chefs de la célèbre tribu de Liquidambar, en tout vingt-cinq sauvages, horriblement tatoués sur leurs épidermes rougeâtres, et montrant des rangées de dents d’une blancheur éblouissante, comme toutes les races carnivores restées dans l’état naturel.

Le beau-père d’Elbonza joignit ses mains, inclina sa tête sur l’épaule droite, et prit un air plein de bonté, pour le communiquer aux sauvages. Lilia regardait la tribu avec une curiosité tranquille, et ne regrettait nullement le trône de la Havane.

Les femmes seules sont capables de n’éprouver sincèrement aucun regret d’une forte résolution qu’elles ont prise, même quand cette résolution les conduit aux plus formidables extrémités. Les hommes, en pareil cas, affirment quelquefois qu’ils n’éprouvent aucun regret, mais ils ne sont pas sincères comme les femmes ; ils mentent et font les fanfarons.

Kiou-Tavaï fit signe d’arrêter les deux étrangers, et, pour leur imposer, il prit un maintien superbe et s’appuya de la main droite sur son carquois.

Là beauté de Lilia parut exciter une vive impression chez le roi de la tribu il lui fit plusieurs signes très-clairs et