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n’avoir plus de rivale chevelue à craindre, et plus d’association inquiétante dans l’amour de l’émir.

Le soir venu, elle parut devant l’émir, laissant flotter sous son turban les longs cheveux noirs qui l’avaient fait tant aimer autrefois, et n’eut pas de peine à lui persuader que la divinité du Gange qui lui avait ravi ses cheveux les lui avait rendus, et que la nouvelle esclave, dans un accès de désespoir, causé par ce prodige, s’était précipitée dans le fleuve saint, et ne reparaîtrait plus probablement au palais.

L’émir était crédule comme les amoureux orientaux et même occidentaux ; il bénit la divinité du Gange, et promit de se contenter de l’unité dans son sérail.

Le marchand Koëb, enchanté de sa spéculation, qui était aussi une vengeance, récompensa l’esclave en lui donnant sa liberté.

Ainsi presque toutes les frivolités de la toilette ont été inventées par un défaut.

Une femme qui avait des mains laides a inventé les gants ; une autre, par d’autres raisons a inventé les fichus ; une autre, pour corriger le tort des absences, a inventé d’autres artifices ; une sultane chauve a inventé les turbans ce qui n’a jamais empêché, ce qui n’empêchera jamais de voir ces frivolités et ces inventions artificielles portées par des femmes auxquelles on peut dire comme à Zaïre, en turban :

L’art n’est pas fait pour toi, tu n’en as pas besoin.