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quieu, dans son poème libertin du Temple de Gnide. Hélas ! il n’y a point d’hommes graves, pas même Montesquieu ! Aussi avons-nous des révolutions tous les cinq ans.

Ce n’était pas la beauté de la jeune esclave qui avait complètement ébloui notre émir ; ses mains délicates déployèrent une chevelure superbe, plus noire et plus abondante que celle que portait Mahia avant l’invention du turban.

— Les beaux cheveux ! s’écria l’émir, je n’en ai jamais vu de plus beaux.

Heureusement Mahia ne pouvait entendre cette désolante et si impolie exclamation.

Le marchand inclina stupidement la tête, de l’air d’un homme qui n’attache pas une grande importance à la beauté des cheveux.

L’émir était en extase, et son imagination orientale avait épuisé toutes les images et les comparaisons qu’une belle chevelure peut inspirer. Le marché fut vite conclu, quoique le marchand eût demandé un prix infini. L’émir paya et ne regretta pas son or, du moins pour le moment.

La nouvelle esclave fut présentée à Mahia, qui lui fit un assez bon accueil, chose qui contrarie nos mœurs européennes, parce que la jalousie est une preuve de haute civilisation.

Mahia montra le palais et les jardins de l’émir à Naourah, qui regarda toutes ces beautés avec de naïfs transports de joie.

— Comment passe-t-on le temps ici, demanda la jeune esclave avec candeur.

— On joue du luth.