Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
« À Mahia,

» Le Jémidar va moissonner le riz dans la plaine du Triplicam, et il roule dans ses mains les gerbes ondoyantes ;

» Ô Mahia tu es une rizière d’amour, et ton émir est semblable au moissonneur, quand il assemble en gerbes tes beaux cheveux !

» Le batteur de riz agite avec ses mains les chalumeaux, et les fait ruisseler au vent du fleuve.

» Ainsi, ton émir, ô Mahia aime à livrer ta chevelure vagabonde au souffle embaumé du fleuve saint ! »

Nous ne faisons pas de pareils vers aux femmes, nous poëtes occidentaux, parce que les hommes nous railleraient. Les femmes comprennent tout et ne raillent pas les choses de l’amour ; elles ont un sens de plus que nous, le sens poétique ; nous avons un sens de plus qu’elles, le sens moqueur, ou en d’autres termes, le bon sens.

Quelquefois des marchands, venus de Perse ou d’Arménie, se présentaient à la porte du palais de l’émir, en proposant la vente d’une esclave de choix ; par curiosité indolente, l’émir regardait quelques instants cette marchandise vivante et la congédiait avec le marchand d’un signe de la main. Les cheveux de l’esclave descendaient à peine sur les épaules. C’était à sourire de pitié.

En sortant à travers la ville, les marchands disaient :

— L’émir doit avoir un beau sérail puisqu’il a refusé notre marchandise.

Et on leur répondait :