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lui confirme ce surnom de Perle qui lui a été décerné à l’unanimité par les femmes, ce qui est très-glorieux.

On échangea quelques phrases ; ensuite le ministre rentra au bal, et la famille Saint-Saulieux monta en voiture et regagna sa maison.

Chemin faisant, Marguerite dit à sa mère :

— Lorsque le ministre nous a abordés dans la galerie, vous aviez commencé une histoire qui a été interrompue aux premiers mots. Je vous prie de la continuer maintenant ; personne ne nous interrompra plus.

Alors la mère raconta la représentation de Zémire et Azor, et l’histoire de la perle de Ceylan.

— Comment ! ma chère mère ! — dit Marguerite après l’histoire ; comment pouvez-vous accuser mon père d’un pareil oubli ! Ah je suis obligée de dire, malgré tout le respect que je vous dois, qu’il y a de l’injustice dans votre accusation.

— Ah voyons cela ! dit la mère en riant.

— Voyons, je suis bien aise d’entendre la défense de ton père, par la bouche de sa fille ; une cause perdue depuis dix-neuf ans, et que tu veux gagner aujourd’hui !

— Elle est gagnée, ma mère, — dit Marguerite.

— Mon père vous a apporté une perle de Ceylan ; c’est votre fille Marguerite ; il a tenu sa parole ; comptez les années et les mois et vous verrez.

M. de Saint-Saulieux fit un cri de joie, et serra Marguerite dans ses bras ; puis il embrassa aussi sa femme qui murmura quelques accents radoucis, où se faisait pressentir le pardon de la fête de madame Oberken.