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Zémire n’était pas la femme de Sander, c’était sa fille. Un père n’oublie jamais sa fille, mais quelquefois un mari…

— Je vous défends de continuer, — interrompit le mari avec une douceur de ton qui corrigeait l’âpreté de la défense.

La femme s’inclina et on parla d’autres choses ; il ne fut plus question de la perle de Ceylan.

Le lendemain, l’Adamastor partit avec un bon vent, selon l’usage des vaisseaux qui partent à cinq heures du matin.

Il n’est pas de notre devoir d’historien de suivre l’Adamastor à travers toutes les vicissitudes d’un voyage de long cours. Nous nous arrêterons seulement avec lui un seul jour, à Ceylan, où il se ravitailla.

M. de Saint-Saulieux avait essuyé plusieurs tempêtes ; il avait perdu un mât, deux ancres et cinq matelots. Sa relâche à Ceylan lui donna de graves soucis ; il lui fallut réparer ses pertes, et songer avant tout au salut de son équipage et de son vaisseau. Une femme, à sa place, aurait d’abord songé à la perle, mais les hommes sont ainsi faits ; prenons-les comme ils sont, puisque nous en sommes.

Le voyage de l’Adamastor dura dix-sept mois et douze jours. M. de Saint-Saulieux revit sa femme adorée avec une joie fort naturelle ; il aurait revu ses enfants avec la même joie, mais il n’en avait pas.

Selon l’usage des voyageurs, le mari raconta toutes les tempêtes qu’il avait essuyées, et tous les calmes plats qu’il avait subis. Sa femme l’écouta tranquillement jusqu’à la fin, et prenant sa plus douce voix, elle dit :

Et ma perle de Ceylan ?