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— C’est le soleil lui-même qui a copié le golfe Arabique sur une épingle, pour satisfaire le désir d’Haïva. Mon cher Arzeb, vous méritez d’être aimé.

— C’est tout ce que je demande, dit Arzeb.

Haïva tint parole, elle vécut et elle aima. L’imagination c’est l’âme, c’est la vie, c’est la flamme du corps. Le grand roi Soudraka, cette gloire poétique de l’Inde et du monde, a vécu un siècle, et personne n’a jamais eu plus d’imagination que ce roi.

C’est au moment où le fils du roi de Bornéo achevait cette histoire qu’une grande nouvelle se répandit dans Hyder-Abad. On annonça aux sons des bins et des sitars que le second étage de la pagode de Ten-Tauli venait d’être admirablement rétabli par les soins et la générosité du brahmane Kosrou qui avait consacré à cette œuvre tout l’or provenant de la vente du diamant Beabib.

— Heureux brahmane disaient les dévots sectateurs de Siva ; il a donné tous ses biens en ce monde ; il a tout vendu pour honorer la vertu et les dieux ; aussi sa place est déjà marquée, dans le jardin Mandana, sur les étoiles du firmament.

Le jeune prince Zeb-Sing fit ses adieux au sage brahmane, et ayant nolisé un vaisseau, il s’embarqua sur le golfe Arabique, et fit voile vers Java. Craignant d’être reconnu sur la rive paternelle, il débarqua, vêtu du costume d’un marchand arménien, et comme la nuit était tombée, il s’arrêta dans une hôtellerie qui existe encore aujourd’hui, du moins par l’enseigne ; c’est l’hôtellerie de Golden-Cross ; les Francs la nomment la Croix d’Or.