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firmament, par un escalier d’or et d’indigo, et quand il fut arrivé au-dessus de la région des nuages, il découvrit son royaume, qui ressemblait à douze mille conques marines, flottantes sous des aigrettes de palmiers. En abordant aux Maldives, il lui sembla que l’Océan lui chantait une symphonie céleste en se divisant douze mille fois en petits ruisseaux de saphirs, vifs et joyeux qui découpaient les Maldives.

Avec cette agilité de mouvements que les rêves donnent, Arzeb sauta légèrement d’une île à l’autre, et à chaque élan, il voyait luire, entre des feuilles de palmier, deux yeux noirs sous des boucles ondoyantes de cheveux d’ébène, et sur un visage doux et doré comme celui de la belle Rada.

Les rêves, entre autres secrets mystérieux qui leur appartiennent, nous font perdre le sentiment des heures, du temps et de l’espace ; aussi, Arzeb, en se réveillant, avait dans ses souvenirs plusieurs années de bonheur écoulées au milieu de ses douze mille reines, dans le golfe Arabique, sur des couches de perles, d’ambre et de corail.

Il entra dans son kiosque, et vit la belle Haïva qui l’attendait sous des touffes de rosiers, et qui lui dit :

– Eh bien ! Arzeb, me donnerez-vous ce que je vous ai demandé, ce que vous m’avez promis ?

– Douce Haïva, dit Arzeb, ce que tu m’as demandé ne pouvait pas se demander ; ce que je t’ai promis ne pouvait pas se promettre ; nous avons eu tort tous les deux.

– Alors, dit Haïva, je vais me livrer à un acte de désespoir.

– Au nom de Siva, ma belle Haïva ! – dit Arzeb alarmé, – ne te désespère point encore. Ce soir je verrai le jongleur