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Un autre jour on annonça que l’ambre avait le même pouvoir sur un chalumeau de paille. Les esprits forts nièrent selon leur usage. On fit l’épreuve encore ; l’ambre ordonna, la paille obéit.

Criez à l’invraisemblable après cela Il n’y a rien de merveilleux, ou pour mieux dire, tout est merveilleux.

Il y a, dans le harem, à la pointe de Constantinople, une chambre superbe, meublée, par le sultan Achmet III, des glaces que la république de Venise lui envoya en signant la paix. C’est là que le sultan vient se reposer après avoir passé une revue à Térapia, visité l’arsenal de Tophana, ou prié trop longtemps à la mosquée de Sainte-Sophie. La retraite est charmante. Le vent de la rade joue dans les persiennes ; les petites vagues chantent en se brisant à la pointe du sérail ; les fleurs du jardin embaument cette atmosphère voluptueuse qui flotte sur les kiosques et les balcons.

Le sultan, un jour, se fit apporter une pipe magnifique, présent du pacha de Laodicée, ou Latakié. Cette pipe était ornée de pierreries sans nombre, mais ce qui lui donnait surtout un prix infini, c’était un bec d’ambre d’un volume énorme et d’une finesse extraordinaire. On n’avait jamais vu un ambre si beau sur les lèvres d’un commandeur des croyants.

Ce jour-là, le sultan avait cassé vingt œufs d’autruche, avec une carabine à balles, dans la prairie de Térapia, et à cinq cents pas de tir ; cet exercice l’avait beaucoup fatigué, à cause surtout des louanges sans fin que les courtisans entonnaient en l’honneur de son adresse, après chaque œuf d’autruche cassé.