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La pâleur qui couvrit le visage du vice-roi, donna un bonheur immense au cœur de l’ex-fermière ; aussi elle ne tarda pas d’ajouter que ce départ était fixé irrévocablement au lendemain.

Le vice-roi, qui se croyait très-diplomate comme tous les lords, n’admettait pas la diplomatie dans les êtres subalternes ; il ajouta foi complète aux paroles de la mère d’Edith, il lui demanda un quart d’heure de réflexion solitaire, et se retira dans son jardin pour penser.

Le vice-roi pensa une demi-heure, mais il avait beau penser, l’image souveraine d’Edith rayonnait devant ses yeux, et ne promettait pas de s’éclipser tout à coup. Cependant il fallait prendre une résolution ; l’heure s’avançait et devenait exigeante. — il le faut ! dit le vice-roi.

Cet il-le faut ! signifiait qu’il fallait oublier un amour trop bourgeois, et rester vice-roi célibataire, pour l’honneur de sa famille qui comptait tant de ducs. En rentrant dans la salle, le noble seigneur amoureux prit une pose de Van-Dick, et ouvrant la bouche pour faire à Edith des adieux éternels, il se trompa de route, et la demanda en mariage à son père. Les deux ex-fermiers jouèrent la stupéfaction en comédiens accomplis.

Quoi ! vous !… Mylord !… est-il possible !… mon Dieu !…

La mère se laissa tomber sur un fauteuil, et fit signe à un domestique de lui donner de l’air pour prévenir un infaillible évanouissement.

Édith, au milieu de cette scène, gardait un calme superbe ; elle aurait cru faire injure à sa beauté, en s’étonnant une