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Tout cela ne répond pas à ma question, — dit la femme d’un ton d’impatience, — et tu es, si triomphant de ta fille que tu n’écoutes pas ce que je dis.

— C’est vrai, ma femme.

— Eh ! bien je vais t’aider, moi. Notre fille ressemble, comme deux gouttes d’eau se ressemblent, à cette superbe magicienne du vallon de Blake-Devil ; cette magicienne qui nous a fait la grande prédiction.

— Edith ! cria le père pour faire retourner sa fille.

Edith pirouetta légèrement, et montra son visage à son père, qui eut l’air de le regarder pour la première fois.

— C’est bien ! — dit le père, en souriant ; — tu peux continuer ta marche ; je voulais te voir.

Et regardant sa femme, il ajouta, un instant après, à voix basse :

— Tu as raison, ma femme ! Edith lui ressemble… Seulement, Edith est beaucoup plus jeune et plus fraîche.

— Oui, oui, mais les traits sont les mêmes, absolument les mêmes ; Edith n’a que quinze ans, et la magicienne en avait au moins trente, quand nous l’avons vue.

— Au moins trente, — dit le mari, pour être toujours de l’avis d’une femme qui lui avait donné une si belle fille.

— Et maintenant, poursuivit la femme, je voudrais bien savoir d’où peut provenir une pareille ressemblance !

— C’est bien simple, répondit l’ex-fermier ; la beauté miraculeuse de la magicienne t’a frappée dans les premiers mois de la conception, et ta fille a pris dans ton sein les traits de la magicienne.

— Oui, ce doit être cela, — dit la femme en réfléchissant.