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« Charmante, comme l’Ève de l’Indus, ses cheveux noirs flottants aux brises, voilée d’un sari d’étoffe diaphane, une jeune fille bengali chantait un pantoun, avec une voix mélodieuse, comme celle de l’oiseau qui annonce le jour sur la cime des palmiers. Cette chanson d’amour disait les tourments de l’attente.


Quand les cinq fleuves de Lahore
Chassent la brume de leurs lits,
Quand le sourire de l’aurore
A réveillé nos bengalis ;

J’ai quitté ma natte, tressée
Pour les nuits douces du sérail,
Et le cœur plein d’une pensée,
J’ai mis mes trois rangs de corail ;

J’ai mis le sari qu’on admire
Aux fêtes où l’on vient me voir ;
La sultane de Cachemire
A pleuré trois jours pour l’avoir ;

La fière reine de l’Asie
Le demandait à son mari ;
Elle a gardé sa jalousie,
Et moi j’ai gardé mon sari.

Car le beau prince de Mysore
Doit passer ici pour me voir ;
Je venais l’attendre à l’aurore,

Et je t’attends encor ce soir.