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de la jeune fille et semblaient attendre un ordre. Toute la tribu était assise sur les fougères et les graminées flottantes qui bordent comme une guirlande le lac des Makidas.

» Un signal a été donné ; les vingt jeunes prétendants se sont élancés d’un même bond dans le lac, et ont nagé pour atteindre la rive opposée. Le premier arrivé a cueilli une fleur de spondea, et, la tenant élevée au-dessus de l’eau, il est rentré dans l’île et l’a donnée à la jeune fille.

» Le second exercice consistait à franchir un large torrent qui sort du flanc, d’une roche au centre de l’île, et que l’oiseau seul semble pouvoir traverser en un élan. Les jeunes Makidas ont tous essayé d’imiter l’oiseau, mais les ailes leur manquaient ; ils tombaient sans atteindre l’autre bord, et une grande hilarité générale accueillait leur malheureuse tentative ; le premier vainqueur a décrit une courbe superbe, comme une pierre lancée avec une fronde, et tombant sur l’autre rive, il a cueilli une clochette d’or pour les cheveux de la jeune fille. Ce nouveau triomphe a fait conclure un mariage par acclamation. Les vieillards ont réuni les deux époux, et le roi a donné à la mariée une belle parure, toute faite de ces belles émeraudes qu’on trouve en Afrique dans les roches brunes d’Elmina.

» L’éblouissante irradiation que le soleil versait sur cette scène a produit ensuite un brouillard lumineux qui a voilé le lac des Makidas, comme un rideau de gerbes d’or qui tomberait sur une scène de théâtre, insensiblement, ce voile tissu de rayons s’est déchiré par éclaircies splendides, et a laissé voir un berceau de rosiers de Bengale, bordant la rive d’un fleuve saint.