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zéro, pour se soulager de l’hiver dans un enthousiasme de printemps. Or, le 27 avril 1784, on avait joué le Mariage de Figaro, et Dieu même, descendant sur la terre, aurait passé incognito à Paris le lendemain et pendant six mois, Paris est ainsi fait. Le mot bohémien de Figaro était sur toutes les lèvres, noircissait toutes les affiches, décorait toutes les enseignes, tapissait tous les murs, coiffait tous les fronts. Figaro-ci, Figaro-là, Figaro partout. Un seul homme, le 25 avril, se levait en tenant une lettre qui n’était pas une lettre sur Figaro. Cet homme était le roi.

» Cette lettre avait été apportée à Versailles par le vaisseau le Héros ce glorieux facteur de la poste indienne ; elle était tombée de la proue du navire comme de la main d’un géant ; le sultan de Mysore l’avait écrite à Louis XVI, le sultan des Français[1].

» Le monarque indien, plein d’estime et de vénération pour la France et son roi, et déjà menacé dans ses possessions, comme Hyder-Aly son père, appelait Louis XVI à son secours ; il se plaçait sous sa protection puissante ; il lui demandait des soldats, des ouvriers, des agriculteurs pour défendre et cultiver ces beaux pays placés entre le 12e et le 20e degré de latitude : Nellor, sur le fleuve de Pennar ; Hyder-Abad, la ville des diamants ; Scringapatnam, si voisine de Madras, la reine du golfe de Bengale ; Cochin, Calicut, Trivanderum, et les opulentes pêcheries du cap Comorin. Le Mysore, si bien placé à la pointe de la presqu’île, entre le golfe

  1. Cette lettre n’est pas la seule que le sultan de Mysore ait écrite à Louis XVI. Un grand artiste et un homme d’esprit, M. Hernian-Léon, a le bonheur de posséder toute la collection des lettres du sultan de Mysore à Louis XVI ; je les ai vues chez lui, rue de Latour-d’Auvergne, 37. L’histoire n’a jamais parlé de cela !