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celui de la bête fauve. Les cipayes entassèrent sur les terrains nus et les plus exposés au vent leurs uniformes lourds, tout ruisselants des acres sueurs de la marche. Ensuite, ils traversèrent tous le lac à la nage, et se parfumèrent, sur l’autre rive, avec les aromates que le soleil indien distille à côté des poisons. Cela fait, on suivit le vent, dans son sillon le plus direct, et, à mille pas des ruines, on fit halte au milieu des bois, sur une allée tortueuse, hérissée de plantes rudes, mais la seule praticable pour des êtres à peu près humains.

Les officiers et les soldats, couchés dans les grandes herbes, et embusqués horizontalement sur deux lignes, attendaient pour agir le signal du colonel Douglas.

Les Taugs ne sortaient de leur repaire qu’après le lever de leur étoile protectrice, l’étoile Léby ; mais ce n’était pas seulement par un motif religieux qu’ils n’engageaient une lutte sanglante qu’aux rayons de cet astre, à la première heure matinale : ils comptaient aussi tomber sur un ennemi accablé par la double fièvre de l’attente et de l’insomnie, ayant déjà consumé la moitié de ses forces dans une veillée inutile et sans espoir.

La meute des Taugs qui, par l’ordre du vieux Sing, devait attaquer cette nuit les postes avancés de Roudjah, se dirigeait sur la pagode ruinée de Miessour. Le fakir Souniacy conduisait les brigands fauves. C’était un sauvage hideux, comme l’idole du ravisseur de Sita. Ses cheveux noirs pleuvaient sur ses épaules de squelette, amaigries par l’abstinence ; son corps avait perdu la teinte primitive sous un badigeonnage végétal ; le haut du visage était d’un blanc mat, et quatre bandes blanches cerclaient ses bras nus, comme de larges bracelets peints à la craie ; une barbe de vÎeillard s’allon-