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« Avançons, maintenant, dit le colonel ; le capitaine Moss arrive de l’autre côté.

— Avançons, » dit Edward.

Un étrange spectacle fixa bientôt l’attention d’Edward. Dans toute la longueur des crevasses des ruines, les hautes herbes tremblaient à leurs cimes, comme si elles eussent abrité une invasion d’énormes reptiles, une tramée de boas… Plusieurs détachements de cipayes arrivaient aux ruines de la pagode. En tête, rampait le capitaine Moss, jeune homme de vingt-deux ans, déjà vieilli dans cette guerre, et qui s’était deux fois échappé du lacet des Taugs, en glissant dans leurs mains comme une couleuvre insaisissable. Dès ce moment la parole, le souffle, le geste furent interdits. Cependant la troupe agissait avec un ensemble merveilleux. Chaque soldat semblait deviner l’ordre du chef, ou suivre le conseil d’une inspiration soudaine et infaillible, tombée du ciel dans la tête de tous.

Il avait fallu renoncer à l’ancien arsenal de ruses usitées aux dernières rencontres. À toutes les reprises d’hostilités, la tactique était modifiée ou renouvelée complètement. On ne pouvait tromper deux fois les Taugs avec la même stratégie, eux, les trompeurs par excellence, puisque leur nom signifie tromper en indien.

Chaque cipaye, officier ou soldat, avait apporté avec lui, dans son bagage, un tronçon de bois d’érable, taillé grossièrement et à la hâte, mais qui, voilé à demi par les ruines, les ténèbres, la verdure massive, et surmonté de la coiffure militaire, devait ressembler de loin à un soldat embusqué avec une timide précaution.

Pourtant, il ne suffisait pas de tromper l’œil duTaug, il fallait encore tromper son odorat, subtil comme