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feuille de sensitive… Cette signature m’est entrée au cœur comme un crick malais… Colonel, il faut brûler cette lettre sans la lire… Croyez-moi, elle ne peut vous apprendre que des choses fâcheuses… Les lettres de femmes, lorsqu’elles sont longues, sont toujours foudroyantes pour le lecteur… Quand les femmes ont du bonheur à vous annoncer, elles écrivent trois mots ; trois lignes, c’est un malheur ; trois pages, un désespoir ; trois feuilles, une mort.

— Oh ! mon cher Edward, je parie deviner tout ce que cette lettre contient… Il ne faut pas être sorcier pour cela… Je ne crains pas une catastrophe… Amalia se résignait à m’épouser avec le plus grand sang-froid du monde. Elle avait l’air de me subir par autorité de justice… Un jury l’avait condamnée à m’épouser… Aussi mon départ ne m’a coûté aucune peine. Je sentais qu’Amalia ne demandait pas mieux que d’être veuve avant le mariage. Sans doute, la comtesse m’écrit pour me ramener à l’autel et au oui fatal… Elle a été furieuse de cette rupture… Cette longue lettre est tout simplement le post-scriptum d’une courte malédiction qu’elle a lancée sur moi, à mon départ… Nous lirons cela demain si nous sommes vivants.

— Nous serons vivants, colonel Douglas. Je vous le promets. Je connais les mœurs de la mort. Pour être dispensé de mourir la veille, il faut avoir quelques obligations à remplir le lendemain ; une lettre de femme à lire, par exemple, ou à déchirer.

— C’est résolu, nous lirons tout cela demain.

— En avant donc, mon colonel, en route… il faut partir.

— Sérieusement, Edward, vous continuez votre service dans l’expédition ?