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Mystérieuse femme, ange de l’Orient,
Au balcon du kiosque assise, et souriant !
Un jour, selon le rit des prêtres de l’Asie,
Tu menas aux autels l’odalisque choisie ;
Et la nuit, quand le ciel et le fleuve étaient doux,
Quand on dansait au son des orchestres hindous,
Tu sortis pour rêver à cette nuit charmante
Que promit à tes vœux ta poétique amante.
Et rêvant, tu vis luire à travers les gazons
Deux yeux, comme Satan fait rougir ses tisons ;
C’était un tigre noir, qui, par droit de nature,
Cherchait pour ses enfants un peu de nourriture,
Et te porta, gibier d’innocents appétits,
En quatre livraisons à ses pauvres petits.


— Mais c’est affreux, sir Edward, ce que vous nous déclamez là sentimentalement ! s’écria miss Arinda. Comment ! ce malheur est arrivé à M. Dhéran !

— La première nuit de ses noces, miss Arinda.

— Et que fit la veuve ?

— La veuve voulait se brûler sur le bûcher de son mari ; mais comme on lui fit observer qu’il était impossible de brûler un mari dévoré par un tigre, elle se résigna héroïquement, et elle entra comme favorite au harem du sultan d’Hydrabad. La moralité de cette histoire, la voici. Nous habitons un pays superbe ; nous respirons un air qui est la vie, un air délicieux, loin des villes, ces cimetières des vivants ; nous avons la fraîcheur sous le soleil et la fécondité sans orages ; nous avons des plantes et des arbres chargés de parfums, d’oiseaux et de fruits. Nous avons de grands paysages d’ombre et de lumière, des vallons recueillis, veloutés et caressants comme les bras d’une femme ; de beaux lacs et de larges herbes pour savourer toutes les voluptés de l’être amphibie, s’endormir philosophe et se réveiller poisson. Nous avons tout ce que Dieu donna aux premiers hommes avant qu’ils eussent l’idée de numéro-