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hommes, mais très-apprécié par les animaux, a fait, dans son poëme de Typoo, une prosopopée en l’honneur de Dhéran. Je vous réciterais bien les vers originaux anglais ; mais, s’il y a quelque tigre noir aux écoutes, il me garderait rancune : ces démons comprennent notre langue. Je vais vous les traduire en français. Pour les tigres noirs, c’est de l’hébreu.

— Pardon, sir Edward, dit le colonel Douglas avec un signe rapide d’intelligence, excusez-moi si je vous enlève un auditeur. J’ai quelques ordres à donner au capitaine Moss, une lettre courte à écrire ; elle doit partir avant le lever du soleil… d’ailleurs, je connais les vers de Thames et l’histoire de Dhéran.

— Ne sortez pas, colonel Douglas ! dit Arinda avec une convulsion de frayeur.

— Miss Arinda, je vais écrire là-haut, dit le colonel ; le télinga va bientôt nous porter nos lettres ; c’est son heure, et je veux que ma missive soit prête… Écoutez l’histoire de Dhéran, et vous verrez s’il me convient de sortir. »

Le colonel quitta la salle, et sir Edward récita ces vers :


Oui, je voudrais aimer cette grande presqu’île
Qu’un double océan baigne avec un flot tranquille,
Que le Gange caresse, en son vol diligent,
De ses lèvres d’azur à l’écume d’argent ;
Mais, dans ce beau pays, Eden que rien n’égale,
Fleurit sous l’aloès le tigre de Bengale,
Qui, sur le bonze illustre et l’esclave grossier,
Imprime également ses deux griffes d’acier,
Et désole, la nuit, cette terre féconde
Où s’élèvent Delhi, Cachemire et Golconde !
Ombre de mon ami Dhéran, le voyageur,
Mort, sans avoir la tombe avec son ver rongeur,
Lève-toi ! Tu partis, tout brillant de jeunesse,
Pour offrir ton amour à quelque brahmanesse,