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tion opposée à celle qu’il voulait prendre ; il côtoya l’étang, cueillit des narcisses et des tulipes sauvages, et retira des eaux, sans le moindre étonnement, une feuille de papier roulé qui ressemblait à une feuille de nénufar. Il déploya cette fleur d’espèce nouvelle en ayant soin de la dérober aux regards, sous le bouquet massif qu’il venait de composer, et les lignes suivantes furent dévorées avec tant de calme apparent, que le lecteur ressemblait au loin à un botaniste étudiant avec amour une belle collection de fleurs.


« Sir Edward, mon noble maître,

« Vous êtes arrivé trop tard à Mundesur ; c’est ma faute : j’ai couru, il fallait voler.

« J’ai assisté au dernier conseil tenu dans les ruines de Doumar-Leyna. Je sais où marchera le vieux Sing. Dites au colonel Douglas de renforcer demain les postes entre le village de Boudjah et la montagne de Sérieh, à deux milles de votre habitation de Nerbudda. Deux heures après le coucher du soleil, inventez quelque stratagème pour faire fermer les portes de l’habitation. Le vieux Sing a prononcé le nom du nabab Sourah-Berbar. Dieu veille sur nous ; veillons.

« NIZAM. »

Le brave serviteur était arrivé à l’étang sans être aperçu, en rampant sous les hautes herbes. Il s’était blotti dans l’eau, la tête voilée de larges feuilles stagnantes, et il avait envoyé aux oreilles d’Edward ce sifflement léger que l’intelligence du maître distinguait si bien au milieu de tous ces murmures confus qui s’élèvent des eaux, des montagnes, des bois, sur cette terre puissante où la vie abonde, où la plante, l’oiseau,