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ans, jusqu’à la mort ; et quand j’aurai, dans mon recueillement et ma solitude, récapitulé toutes les pensées humaines, il est possible que je devine la vôtre quelque jour, et je vous la rendrai.

— Colonel Douglas, dit Arinda en inclinant la tête sur l’épaule et en donnant au doigt indicateur de sa main droite un mouvement de menace amicale, colonel, vous ne seriez pas fakir un seul jour, si je vous prenais au mot,… Oui, oui, monsieur, ouvrez vos grands yeux indigo… Voyons si vous aurez de la franchise…, j’attendais un tête-à-tête pour vous interroger… Dites-moi, colonel, qu’avez-vous été faire à Londres ?… voyez comme il pâlit !

— Mais vous le savez très-bien, miss Arinda… on m’a appelé au Foreign-Office, pour donner les renseignements sur la guerre des Taugs… heureusement terminée aujourd’hui.

— Et pourquoi pâlissez-vous ? pourquoi frissonnez-vous en me répondant ?

— Je vous affirme, charmante Arinda, que je n’ai aucune émotion.

— Comme il tremble en disant cela !

— Miss Arinda, votre père est à dix pas de nous ; il peut nous entendre…

— Il a peur de mon père aussi, maintenant ! mais tout le fait donc trembler, ce colonel !… Heureusement, comme vous le dites, la guerre est terminée aujourd’hui.

— Miss Arinda, dit le colonel d’une voix étouffée, mais qui ne laissait égarer aucune syllabe, miss Arinda, depuis deux ans je vous aime, et tout ce qu’il y a d’amour sur cette terre de flamme, entre ces jardins et le soleil, je le sens bouillonner en moi, et je ne le sens que pour vous. Je ne vous aime pas parce que vous êtes