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fond de la mer à Ceylan ; je les ai données à Hamlet, qui est à Londres le roi des bijoutiers, et qui refuserait le trône de Danemark, occupé par les fantômes ses aïeux. Hamlet a pris l’ouvrage à cœur ; il le soigne comme Dieu a soigné le soleil, et il a gravé sur l’agrafe, large comme l’œil d’un bengali, sa signature, HAMLET, surmontée de ces mots si touchants, lorsque le prince de Danemark les adresse à Ophélia : Madame, puis-je me reposer sur vos genoux[1] ?

— Ah ! voilà qui est très-gracieux ! » colonel Douglas, dit Arinda en renversant sa tête en arrière, pour donner un regard de bas en haut à Douglas.

Dans cette position horizontale du visage, les boucles soyeuses des cheveux noirs de la jeune Indienne descendaient en se festonnant jusqu’au sol de bois de santal, et ses lèvres de corail, à demi ouvertes par le sourire, laissaient entrevoir un échantillon de perles fines inconnues aux bazars du Coromandel. Arinda ressemblait ainsi à une nouvelle fleur du Bengale, créée, à midi, par le puissant caprice du soleil, et remerciant son père céleste avec un regard de flamme lancé au firmament.

« Il me semble, dit Douglas, que je fais au grand jour le plus doux des rêves. Laissez-vous adorer ainsi quelques instants, miss Arinda. Vous êtes belle comme la fleur de la terre et le rayon du ciel. Croiriez-vous ? Ô folie de l’esprit ! Croiriez-vous que je vous plains, parce que vous ne pouvez pas en ce moment vous voir et vous aimer, comme je vous vois et comme je vous aime ?

— Colonel Douglas, dit Arinda, avec cette gracieuse coquetterie, vertu de toutes les femmes, sans distinction de zone, de nuance ou de couleur, lorsque j’aurai votre

  1. Shall I lie in your lap ?HAMLET.