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— Miss Arinda, dit sir Edward en s’inclinant, Dieu me garde de vous contrarier ! Je crois à l’existence des Taugs, et je me garderai bien d’aller sans escorte à Doumar-Leyna et à Mazulipatnam.

— Toute la nuit j’ai rêvé de ces monstres-là, dit Arinda en frissonnant ; cela prouve bien qu’ils existent.

— Alors c’est incontestable, dit Edward. On m’avait pourtant bien affirmé que la guerre était finie depuis longtemps.

— Sans doute la guerre est finie, sir Edward ; mais le vieux Sing n’est pas mort. La guerre peut donc recommencer à tout moment ; et, si elle recommence, je ne reste pas à Nerbudda, j’entraîne mon père au littoral du Malabar ou du Coromandel. Je ne dormirai pas une seule nuit dans cette habitation.

— Point d’inquiétude, miss Arinda, dit le colonel Douglas, nous veillons pour vous. On est en sûreté ici comme à Tranquebar ou à Bombay. Nous avons derrière nous trois régiments échelonnés sur le territoire britannique. Les Taugs, s’ils existent encore, ne remueront pas. »

Le repas fini, tous les convives descendirent sur la terrasse ; et furent rendus à leur liberté. Les serviteurs déroulèrent leurs nattes sur le plancher d’un chattiram à colonnades de bois d’érable, où l’on respirait une fraîcheur délicieuse devant un magnifique tableau.

Les yeux se reposaient d’abord sur un petit étang bordé de narcisses jonquilles et de trèfles d’eau, et sillonné dans toute sa longueur par des arabesques de nénufar blanc. À l’autre rive s’élançaient comme des fusées les tiges des cocotiers, épanouis à leurs cimes en gerbes gracieuses ; et, par les éclaircies de ce péristyle végétal, on voyait fuir jusqu’à l’horizon bleu une campagne où la verdure des sénevés confondait ses teintes