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Vous avez commis une grande imprudence, sir Edward, et fort inutilement, je vous assure, parce que votre guide est un cipaye de Ceylan, et il ne connaît pas nos chemins.

— Il faut donc une bonne escorte, seigneur nabab, si l’on veut voyager sans imprudence de ce côté ? dit Edward avec un accent d’indifférence très-marqué.

— Sans doute, sir Edward.

— À cause des tigres…

— D’abord, à cause des tigres, sir Edward…

— Oh ! ce sont pour moi de vieux amis…

— Oui, sir Edward, dit miss Arinda en croisant ses bras nus sur la table avec une exquise nonchalance ; oui, mais il y a d’autres animaux dans la montagne, qui sont vos vieux ennemis.

— Ah ! » dit Edward d’un air ébahi.

Et il continua d’enlever les grains de riz à la pointe de l’aiguille avec la dextérité d’un Chinois.

« Vous dites : Ah ! poursuivit la jeune Indienne d’un ton moqueur, on voit bien que vous arrivez de Londres… Tenez, connaissez-vous ce quadrupède… là… regardez… »

Edward suivit l’indication du doigt d’Arinda, et vit sur la muraille une gravure anglaise fort connue à Londres, et représentant un Taug. Il regarda longtemps, et de l’air d’un homme qui cherche un nom oublié pour le mettre au bas d’un portrait anonyme.

« Vous ne reconnaissez pas cela, sir Edward ! dit la jeune fille en croisant ses jolies petites mains d’ivoire doré.

— C’est le sea-bishop (l’évêque de mer), si je ne me trompe, » dit Edward avec un naturel parfait.

Miss Arinda laissa éclater un rire fou, dont le timbre était bien en harmonie avec la carnation de la jeune