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— Colonel Douglas, dit Edward, tout ce que vous dites est fort sensé ; mais les clercs de Whitehall ne nous entendent pas, et pourtant il faut prendre un parti. Nous voilà, je crois, au centre de la guerre.

— Au foyer, sir Edward.

— Votre quartier général est établi à Nerbudda, chez le nabab ?

— Oui.

— Nous devons laisser ignorer au nabab tous les événements, n’est-ce pas ?

— Oh ! le nabab ne doit rien savoir, rien, sir Edward.

— Voilà une singulière existence qui nous attend. Il faut venir au cœur du Bengale pour vivre ainsi. Le jour, nous serons d’heureux et nonchalants campagnards, faisant de longs repas, cultivant la Flore indienne, déchiffrant des partitions, peignant un paysage, élevant des oiseaux-pêcheurs pour la chasse aux étangs. Pour ma part, je remercie Dieu qui m’a fait arriver à cette vie de mon goût par trois gradations : d’abord je me suis voué au service d’un seul ami, puis au service d’une famille, enfin au service d’une armée. Il n’y a que le premier pas qui coûte dans la carrière de I’obligeance. Aujourd’hui, j’exerce ma profession en grand, et je me souhaite des imitateurs.

— Un conseil, sir Edward, dit le colonel en serrant les mains de son compagnon ; sur quel pied devons-nous vivre avec le comte Élona ? Ne trouvez-vous pas qu’il est embarrassant ?

— Le comte Élona mènera la vie que nous menons ; c’est sa faute si cette vie ne lui convient pas. Il s’est embarqué furtivement à Smyrne avec nous, et à votre insu, pour se dérober à un malheur mystérieux qui est encore son secret. Proscrit, toute terre lui est