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clarté du jour révéla les secrets de la nuit ; autour du block-house, il n’y avait pas une goutte de sang sur les gazons, mais les feuilles des arbres et les fleurs sauvages, élevées au-dessus du niveau des hautes herbes portaient l’empreinte d’une résistance convulsive, et attestaient les efforts suprêmes d’une agonie au désespoir. Il paraissait évident que la petite garnison, endormie dans une sécurité imprudente, et ne croyant plus au retour des hostilités, avait été surprise et enlevée par une meute de Taugs.

Sir Edward jeta un regard mélancolique sur l’horizon du midi, formé par de hautes montagnes arides, et dont les antres recelaient sans doute les cadavres des victimes et l’armée des assassins. Ce regard était l’adieu donné aux morts.

Edward et son guide rentrèrent dans le chemin qu’ils avaient déjà parcouru, et remontèrent à cheval pour se rendre à l’habitation de Nerbudda.

Le colonel Douglas entendit le galop des chevaux dans l’avenue et s’élança d’un pas lent, avec la fièvre à l’âme, pour serrer les mains de sir Edward.

« Pas un mot de ce que vous avez vu à qui que ce soit, » dit Edward à son guide en lui donnant son cheval ; puis s’adressant à Douglas, le sourire sur les lèvres : « Eh bien ! mon cher colonel, je me suis égaré dans la campagne ; c’est ma faute, j’avais pris un guide. Donnez-moi des nouvelles du seigneur nabab et de miss Arinda.

— Sir Edward, dit le colonel, point de détour ; personne ne peut nous entendre. La famille prend son repas du matin. Dites promptement ce que vous avez à me dire. Votre gaieté m’annonce des malheurs…

— Ma gaieté ne ment pas : tout a péri. Nous sommes arrivés une heure trop tard.