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— Colonel, prenez soin que les soldats ne manquent de rien. Nous avons des provisions de voyage pour mille hommes.

— Miss Arinda, vous savez que j’obéis toujours aux ordres de votre cœur. »

Pendant le colloque entre miss Arinda et le colonel Douglas, sir Edward s’était insensiblement éloigné du colonel, et il côtoyait les arbres de la route.

Un sifflement subtil comme le susurre de la sauterelle courut dans le fossé plein de gazons, et tout à coup un être humain s’élança, avec une agilité de tigre, sur la croupe du cheval, étreignit le cavalier, murmura quelques paroles à son oreille et disparut.

Sir Edward ne donna aucun signe d’émotion ; un accident naturel et prévu ne l’eût pas laissé plus tranquille.

Le colonel Douglas, qui se rapprochait de lui après avoir vu se refermer les rideaux du palanquin, ne remarqua aucun trouble dans la parole ou le maintien de son intrépide compagnon.

C’était Nizam qui venait de souffler à l’oreille d’Edward ces paroles formidables :

« Le serpent a réuni ses tronçons, le Taug rampe et vole ; avant le soleil, on égorgera les soldats cantonnés à Mumdesur. »

Nizam avait coupé ses beaux cheveux noirs ; il avait jeté au fleuve son élégant costume de créole, acheté à Londres. Nu de la tête aux pieds, parfumé de tous les aromates de l’Inde, recourbant ses orteils d’airain comme des griffes de vautour, supprimant son haleine comme un naufragé au fond de la mer, il bondissait de cime en cime, avec les Taugs, depuis le dernier verger d’Hydrabad. Il épiait la direction de leurs regards, il écoutait leurs gestes, il devinait leurs pensées, il