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ne dort pas ; et, si l’on cause longtemps, on devient indiscret.

— D’ailleurs, sir Edward, nous sommes en péril de mort ; en descendant de cheval, nous courons la chance d’être étranglés par le foulard d’un Taug ; il faut donc que je vous explique ma conduite, afin que vous l’expliquiez aux autres, si je meurs.

— Et si vous sortez vivant de cette guerre, justice que vous rendra le ciel, croyez-vous, colonel, que vous n’aurez pas besoin d’un autre genre de justification ?

— Oui, je vous comprends, sir Edward. À Londres, mes ennemis diront que j’ai épousé Arinda pour ses diamants.

— Et vos amis l’affirmeront.

— À Londres, ils n’ont aucune idée de la femme bengali et du croisement des races…

— À Londres, cher colonel, ils ont depuis trente ans devant leurs yeux la figure verte et molle du fils de Typoo-Saïd, et ils croient que le beau sexe du Mysore a des faces de ce vert… On dira que vous avez quitté Amalia pour épouser une mine de diamants.

— Moi qui donnerais tous les diamants de Golconde pour ce rayon de soleil, ciselé en femme, qui dort dans ce palanquin !

— On ne vous croira pas, cher colonel. Le monde est comme cela. Si vous donniez tous les diamants de Golconde, le monde dirait qu’ils sont faux.

— Eh ! que faut-il faire alors, sir Edward ?

— Supprimer le monde et prendre la jeune fille malgré ses diamants, comme on épouse une femme aimée malgré ses défauts.

— Sir Edward, à ma place, épouseriez-vous la fille du nabab ?

— Je l’épouserais.