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cipayes choisis par vous, on ne craint ni les bêtes ni les hommes fauves, et notre voyage est une promenade entre deux soleils. Votre Hydrabad est inhabitable : vous avez beau l’appeler Golconde, il reste Hydrabad. À la première brise du soir, partons. »

Le ton impérieux de jeune reine qui accompagna ces paroles était adouci par une exquise contraction de visage, que l’on pourrait appeler un sourire d’or.

« Miss Arinda, dit le colonel avec une voix légèrement émue, je vais donner mes ordres, et, comme ce sont les vôtres, ils seront encore mieux exécutés. »

Le colonel Douglas et sir Edward descendirent sur la place, et se séparèrent après avoir échangé quelques paroles et fixé l’heure du départ.

Sir Edward fut aussitôt abordé par Nizam, qui depuis longtemps suivait tous les mouvements des personnages du balcon de Sourah-Berdar.

Sir Edward et Nizam étaient si habitués à vivre et à penser ensemble, qu’ils auraient pu se dispenser de se servir de la parole pour se communiquer leurs réflexions. Ils s’étaient élevés, par des efforts de perspicacité merveilleuse, à la hauteur de l’intelligence des grands quadrupèdes indiens, ceux qui agissent de concert, dans les moments de crise, avec un ensemble admirable, sans avoir besoin des lettres d’un alphabet. Les signes même, la langue des muets, étaient supprimés entre eux. C’est d’ailleurs la plus dangereuse des langues, en public surtout, lorsqu’on est entouré d’ennemis qui peuvent vous comprendre de loin, en écoutant avec les yeux.

En se plaçant à côté de Nizam, devant un groupe de danseurs, sir Edward prit une attitude nonchalante qui figurait, pour le serviteur indien, un point d’interroga-