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diation du soleil. Deux mandars ou pagodes aux coupoles coniques, trois mosquées aux dômes arrondis, et plusieurs maisons de nababs, avec leurs balcons, leurs kiosques, leurs vérandas, encadrent admirablement cette place et lui donnent ce caractère indien primitif, qui s’efface aujourd’hui peu à peu devant la colonisation de l’Occident.

Un seul édifice rappelle l’Europe, sans nuire toutefois à l’effet général du tableau, car il est tout voilé par un rideau de tamariniers, et ce n’est que par une éclaircie de verdure, habilement ménagée, qu’on peut lire sur la façade cette enseigne : West-India hotel. Il y a toujours grande affluence d’étrangers dans cette auberge européenne. Elle est bâtie sur le modèle d’Adelphi à Liverpool, et la cuisine de Star and garter de Richmond y fraternise avec les plats extravagants de l’Indien et du Chinois : on trouve sur la carte le potage de tortue et le potage de nids d’oiseaux ; la colline de bœuf rôti et l’entrée innocente de bourgeons de frêne et de racines de nénufar. Le land-lord ou maître d’hôtel est en costume de bal et porte des diamants de Golconde à tous ses doigts ; les domestiques sont habillés comme le chef, moins les diamants ; les chambres ont des meubles d’acajou, lumineux comme des miroirs, des lits, des nattes, des hamacs, au choix des voyageurs ; un assortiment complet de parfums et de savons de Windsor, des persiennes légères qui tremblent au moindre souffle sur le balcon des kiosques, et sont les grands éventails de l’hôtel.

On célébrait sur cette place la fête indienne de Dourga, déesse de la destruction.

L’idole, ornée de ses formidables attributs, s’élevait sur un piédestal au milieu d’un cercle de hideux fakirs, immobiles comme des figures de bas-reliefs. L’air reten-