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Edward avec un sourire charmant et une légèreté de ton qui dissimulait une soudaine préoccupation, occasionnée par les paroles étranges d’Octavie.

— Tant mieux ! sir Edward, dit la comtesse ; le hasard a plus d’esprit que vous ; il a retardé vos succès pour les faire plus beaux.

— Madame, dit Edward d’une voix qui se timbrait d’émotion, en toute autre circonstance, je prolongerais jusqu’au lever du soleil un entretien plein de charme pour moi ; mais je vois beaucoup de mouvement devant notre canot… Il faut un devoir aussi impérieux que ie mien, pour que je me croie obligé de regarder d’autres choses lorsque vous êtes là, devant moi, madame, avec votre grâce de femme, votre mélodie de paroles, votre formidable beauté… Au nom du ciel, madame, fermez vos lèvres et vos yeux ; laissez-moi fuir une seconde fois ! Adieu, comtesse Octavie, adieu pour toujours.

— Non, sir Edward, je ne reçois pas votre adieu. Vous ne partirez pas, dit la comtesse avec un accent mêlé de haine et de tendresse, vous ne partirez, sir Edward, qu’après avoir assisté au mariage du colonel Douglas.

— Demandez-moi ma vie, madame, et je prierai Dieu de vous la donner ; mais ne me demandez pas l’honneur. Le colonel doit partir à l’instant même, et je dois le suivre aux Indes. »

Sir Edward se dégagea vivement du bras d’Octavie, qui fit un geste de menace, accompagné du double éclair de ses yeux.

« Sir Edward, dit-elle avec une voix sourde et stridente, vous voulez ma haine ? Vous l’aurez ! vous l’aurez terrible, acharnée, inexorable, jusqu’à la mort !

— Madame, je veux ce que veut le ciel. »