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connais plus ; on dirait que c’est toi que le colonel abandonne…

— Tu ne l’aimais donc pas ?

— À peine l’ai-je vu trois fois dans ma vie… J’attendais d’être sa femme pour essayer de l’aimer.

— Quel sang-froid de jeune fille ! C’est désespérant ! »

La comtesse s’éloigna de quelques pas, et, reprenant ensuite sa place à côté de son amie :

« Ma chère ange, dit-elle, tout bien réfléchi, je te félicite sur ta résignation. Il est impossible de recevoir plus gaiement un coup de foudre… »

Elle fit un charmant sourire ; et, prenant les mains d’Amalia, elle ajouta :

« Que je suis folle, moi !… dans la maison, tout le monde est fort calme ; les intéressés donnent l’exemple de la plus stoïque résignation ; moi seule je m’irrite fort mal à propos pour le compte d’autrui… C’est stupide ! Amalia, voici ton tuteur, je te laisse entre ses mains ; je te rejoindrai bientôt, et nous partirons ensemble pour ma maison de campagne, où tu passeras la belle saison… Il faut que je fasse mes adieux à sir Edward, qui traverse la terrasse avec l’intention de s’éclipser totalement. »

Malgré son habileté féline dans l’art de dissimuler la direction de ses pas, sir Edward ne put échapper à la douce main de la comtesse Octavie.

« J’ai l’amour-propre de croire, sir Edward, dit-elle avec une grâce exquise, que vous cherchez la comtesse Octavie pour lui dire adieu ?

— Madame, vous devinez toutes mes pensées ; aussi je ne prendrai plus la peine de penser devant vous, je parlerai.

— Sir Edward, vous ne me garderez pas rancune de la scène de mauvaise humeur que je viens de vous faire.